Comment vis-tu de manière générale ton ministère de visiteuse de prison?

J’ai beaucoup appris au fur et à mesure des visites effectuées. J’ai appris à ne pas me laisser envahir par les émotions et les sentiments. J’ai appris à moins porter, mais à remettre les situations à Dieu, en lui apportant les détenus afin qu’ils soient au bénéfice de son amour et de sa grâce. Dans le cadre de mes visites, je les informe clairement que je n’ai pas le mandat ni les compétences pour êtreune ressource sur le plan juridique. Cette limitation qui est la mienne leur donne ainsi l’occasion d’être valorisé par rapport aux connaissances juridiques qu’ils ont acquises au cours de leur incarcération. Cela leur donne la possibilité d’un certain rééquilibrage nécessaire pour l’équilibre de la relation.

Dans un univers carcéral essentiellement masculin, est-ce que la présence d’une visiteuse représente une sensibilité d’écoute appréciée par les détenus?

La présence d’une visiteuse au sein d’un établissement pénitentiaire représente certainement un apport complémentaire aux visites effectuées par les aumôniers et les visiteurs. Pour ma part, je n’ai aucune difficulté à converser avec les détenus. Ils sont très respectueux. Les entretiens avec les détenus se déroulent avec une distance qui est très clairement établie dans mon esprit. En effet, la plupart de ces détenus ont l’âge de mes enfants. Je réalise ainsi la situation difficile dans laquelle les jeunes peuvent parfois se retrouver. Avec un détenu, je peux endosser une posture intérieure plus «dure» sans que cela nuise à mon empathie. Je réalise ainsi qu’une entrevue avec une femme détenue serait peut-être même plus difficile à gérer.

Pourrais-tu partager avec nous une expérience enrichissante vécue dans le cadre de ton ministère?

Je suis toujours émerveillée d’entendre la reconnaissance exprimée par les détenus à l’égard de nos visites. Il y a même des détenus qui nous portent dans la prière. Je suis reconnaissante d’avoir pu accompagner un détenu qui désirait trouver une «marraine de coeur» pour ses propres enfants qui vivaient au sein d’une famille éclatée. C’était son projet et j’ai simplement pu prendre les contacts nécessaires pour que ce projet puisse aboutir.

Comment ton entourage perçoit-il ton ministère de visiteuse de prison?

Les personnes expriment parfois une forme d’admiration à l’égard de ce ministère. Ils sont enthousiastes et pensent qu’il y a un certain mérite à pouvoir exercer un tel ministère. De mon côté, je ne perçois aucun mérite, aucune bravoure. En côtoyant les situations de détresse, je réalise combien j’ai été une privilégiée. L’être humain a besoin d’un vis-à-vis pour dialoguer et pour s’encourager mutuellement. Ainsi donc, c’est la nature de cet espace que je désire offrir aux détenus qui le souhaitent.

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